Arc V – Chapitre 20 – « Empathie partagée »

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Traduit par : Nanashi-tan

Traduit de l’anglais par : Edgard et FireSun

Relu par : Martin

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Artiste du fan-art : HaruSabin

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ARC V – LES ÉTOILES QUI ÉCRIVENT L’HISTOIRE

CHAPITRE 20 – « Empathie partagée »

Accroupi au sol, respirant lourdement, Subaru résista finalement à son envie de s’effondrer. 

Émilia et Béatrice l’entouraient, affichant leur préoccupation. Même Liliana semblait inquiète. Priscilla paraissait vaguement intéressée, rafraîchissant son visage à l’aide de son éventail. 

Baigné dans leurs voix et regards concernés, Subaru se réorienta progressivement.

Il avait l’impression que le temps revenait lentement à la normale et il réalisa quel goût il avait dans la bouche.

Cela lui rappelait le changement de chaîne sur une télévision. Il n’y avait rien de comparable à la perte de l’odorat, du goût ou de la vue, mais son environnement s’était soudainement désintégré en poudre et s’était transformé en quelque chose d’entièrement différent.

Les yeux, les oreilles, le nez et la peau de Subaru s’étaient adaptés au nouveau monde, mais sa conscience ne pouvait pas oublier la chaîne précédente, si bien qu’il y avait un sentiment de violation.

Tout ce qu’il pouvait faire était de l’ignorer, de mâcher, mâcher, mâcher, et avaler la sensation de malaise qui venait du changement de chaîne jusqu’à ce que ce soit finalement terminé.

Subaru : “――――”

Subaru serra les dents et se leva finalement.

Il secoua la tête et regarda autour de lui. Le parc était baigné d’un soleil radieux, un lieu de détente avec des fontaines, des pelouses vertes et des parterres de fleurs colorés.

Subaru était actuellement entouré de quatre belles filles――Émilia, Béatrice, Liliana et Priscilla. Il avait entendu les mots de Liliana à deux reprises maintenant.

Émilia : “Est-ce que ça va, Subaru ? Ton teint n’a pas l’air très bon.”

Subaru : “…Émilia-tan. À l’instant, est-ce que Liliana a dit qu’elle chanterait une autre chanson ?”

Liliana : “Qu’est-ce que vous voulez dire ?! Moi, Liliana, j’ai été ignorée à un point tel que cette situation a choqué et blessé mon cœur ! Compensation ! J’exige une compensation !”

Pendant qu’elle parlait, Liliana s’empara frénétiquement des manches de Subaru, déclarant un procès, mais ce dernier la repoussa sans ménagement. Il ignora le “Hey !” indigné de la Chanteuse et se tourna vers Émilia, qui semblait avoir compris le sérieux de Subaru.

Émilia : “Oui. Liliana a dit qu’elle nous chanterait une autre chanson que nous avions loupée. Puis Subaru et Liliana ont commencé à discuter en secret de quelque chose.”

Subaru : “C’est arrivé à l’instant ? J’ai pigé, merci… je te remercie.”

Rien qu’en prononçant ces mots de gratitude, il ressentait un indicible sentiment de dégoût.

Subaru ne put s’empêcher de lever une main pour se couvrir la bouche. En le voyant dans cet état, Émilia fronça les sourcils, perplexe.

Émilia n’avait rien fait de mal. Inutile de dire que sa gratitude n’était pas amère. Cependant, cela évoquait l’incomparable malice du monde précédent.

Subaru : “Alors, ça veut dire que je suis…”

“Mort”, le réalisa-t-il enfin, mais il ne put prononcer le mot.

――Natsuki Subaru était mort.

Après sa mort, il revenait au moment où il avait fait ses adieux au monde. Bien qu’il soit soulagé de ce retour réussi, des remords envahissaient sa poitrine.

De toute évidence, Subaru aurait dû être préparé.

Dans cette forêt, un an auparavant, au Sanctuaire, durant les Épreuves, Natsuki Subaru avait résolument rejeté la mort, et les griefs qui l’accompagnaient.

Mais il était tout de même mort. Et de façon aussi simple. Sans résistance, sans défiance, sans même en avoir conscience.

Comment cela se faisait-il ? La situation était manifestement anormale, mais Subaru lui-même n’avait aucune idée de ce qui s’était passé. Il en avait fait l’expérience lui-même, mais il n’y comprenait rien.

Subaru n’avait même pas réalisé à quel point cette situation avait été anormale. Et pas seulement Subaru. Toutes les personnes présentes avaient été atteintes de la même folie que lui. Ils avaient bien vu le garçon enchaîné et hurlant, mais ils avaient tous frénétiquement applaudi face à sa solidarité. Sans parler des applaudissements déments qui avaient accompagné la chute de l’enfant, lui souhaitant la bienvenue dans la mort.

Qu’est-ce qui avait déclenché tout cela ? Et comment avait-il pu mourir sans même en comprendre la raison ?

Il n’avait pas été capable de reconnaître une cause à sa mort et, même maintenant, il n’en trouvait pas. Ou peut-être avait-elle été devant lui depuis le départ, sans qu’il la perçoive comme une menace. Mais il ne pouvait se fier à rien de ce qu’il avait ressenti. Bien qu’il ait perçu l’anormalité de la situation après sa mort, jusqu’à ce moment précis, il n’avait pas été capable de raisonner clairement.

Comment était-il mort, au final ?

Des explosifs avaient-ils été attachés au corps du garçon qui était tombé ? Ils auraient pu exploser au moment de l’impact avec le sol, faisant sauter les environs. En fait, c’était presque exactement le souvenir de cette mort instantanée.

Tout était très vague. Ses souvenirs à l’instant de sa mort étaient fortement troublés par sa folie du moment. Même s’il était complètement calme à présent, l’état d’esprit dans lequel il s’était trouvé à l’époque l’empêchait de comprendre ce souvenir.

Si Subaru avait véritablement été dans un état de folie, il serait pratiquement impossible de démêler les souvenirs insensés de sa mort.

Émilia : “Tu vas vraiment bien, Subaru ? Même Liliana affiche une expression troublée.”

Liliana : “Je ne fais rien d’aussi inutile. Ce que Natsuki-sama pense de moi ne me rend pas du tout triste, alors ne vous méprenez pas.”

Émilia : “Tu vois ? C’est une évidence que ça te perturbe vraiment.”

Même quelqu’un d’aussi désemparé qu’Émilia avait vu clair dans l’effronterie de Liliana. À travers leur dialogue, Subaru se souvint de sa situation actuelle.

À ce moment précis, Subaru était supposé profiter de la chanson de Liliana pour aller faire une commission et acheter des bonbons de réconciliation. Et peu de temps après avoir acheté quelque chose, il avait rencontré le monstre appelé Colère.

――Il restait moins de quinze minutes avant le début de ce discours cauchemardesque.

Subaru : “Tu te fous de moi…”

D’après son expérience avec la Mort Réversible, jamais la durée entre le point de sauvegarde et la mort n’avait été aussi rapprochée. Un délai allant de quelques heures à quelques jours, voilà ce que la Mort Réversible avait toujours accordé à Subaru par le passé. Le temps dont il disposait à présent était extrêmement court.

En seulement quinze petites minutes, que pouvait faire Subaru ?

Mais alors qu’il s’interrogeait à ce sujet, le temps continuait à s’écouler.

Dans cette situation, éviter la mort serait incroyablement simple. Subaru n’avait qu’à éviter l’endroit où le discours serait prononcé. Ainsi, la cause de la mort, comme une éventuelle bombe, ne l’affecterait pas.

Il était très peu probable qu’une bombe touchant l’ensemble de la ville ait été préparée.

Donc, si Subaru souhaitait simplement vivre, il lui suffisait de ne pas y aller. Sirius ne ciblerait pas Subaru, n’apparaîtrait pas près de lui.

Une malice pure et aveugle. Et Subaru s’y était trouvé par hasard.

Par conséquent, même si Subaru n’était pas présent, cette place serait tout de même la scène de crime de Sirius. Le discours non lié à la présence de Subaru aurait lieu malgré tout, et toutes les personnes présentes seraient affectées.

Au minimum, quelle que soit la tournure des événements, l’enfant qui tombait était condamné à mourir.

Subaru : “Je dois l’arrêter… Bordel, je le dois… !”

Subaru se gratta la tête et prit une décision.

Il ne pouvait pas se résoudre à ne pas le sauver. Lusbel n’était coupable de rien. Ce pauvre enfant attendait avec impatience un frère ou une sœur qui allait naître, et il avait pris la place de son amour de jeunesse sur cette tour. Comment pouvait-on être assez lâche pour ne penser qu’à soi et ne pas tenter de le sauver ?

Subaru : “Béako et moi…”

――Nous partons ensemble, hésita à déclarer Subaru.

Béatrice : “Qu’est-ce qu’il y a, Subaru ?”

Se tournant pour faire face à Subaru, Béatrice posa une question sérieuse.

Maintenant qu’il savait qu’une situation critique était imminente, emmener Béatrice avec lui était l’option évidente à choisir en termes d’efficacité au combat. Si elle était absente, la force de combat de Subaru serait réduite de moitié.

Malgré tout, Subaru hésitait. Ce n’était pas pour une raison sentimentale tenant au fait qu’il ne voulait pas que Béatrice se batte.

Bien sûr, dire que cette raison ne lui avait pas du tout traversé l’esprit ne serait pas vrai, mais ce n’était pas la raison principale de Subaru.

――C’était Émilia. Ou plutôt, abandonner Émilia ici.

Subaru : “――――”

Le Culte de la Sorcière se trouvait dans cette ville.

Ces fanatiques――bien qu’il ne sache pas encore si cette expression devait être utilisée au pluriel, il y avait au minimum l’Archevêque du Péché de la Colère. Il ignorait si elle travaillait avec d’autres cultistes, car leur situation était totalement inconnue.

Cependant, dans une ville où le Culte de la Sorcière était actif, l’idée de laisser Émilia seule, sans personne pour la protéger, laissait planer une inquiétude persistante en Subaru.

Laisser quelqu’un d’important dans un endroit hors de sa portée était bien trop dangereux.

Laisser quelqu’un hors de sa vue, là où les mains diaboliques du Culte de la Sorcière pourraient intervenir, était bien trop dangereux.

Au fond de son cœur, une peur trouble assaillait Subaru.

Alors, emmènerait-il Émilia là où se trouvait la Colère ? C’était hors de question. Amener Émilia à rencontrer le Culte de la Sorcière mènerait sans aucun doute à une tragédie. C’était la seule certitude. Le simple fait de se souvenir de Petelgeuse le démontrait clairement. Subaru ne pouvait pas laisser Émilia s’approcher du Culte de la Sorcière. Les raisons ne pouvaient même pas être remises en question. Il en était ainsi, tout simplement.

Subaru : “Béatrice et moi…”

Béatrice : “Et quoi, Subaru ?”

Subaru : “Nous mangerons les mêmes sucreries, c’est d’accord ?”

Béatrice : “… ?”

Béatrice fronça les sourcils en entendant Subaru. Elle se doutait probablement qu’il pensait à tout autre chose. Subaru adressa un signe de tête à Liliana, qui semblait complètement perdue, et se tourna vers Émilia.

Subaru : “Je vais aller faire un petit tour pour acheter des friandises, et je reviens tout de suite. Émilia-tan, attends ici, tout en écoutant élégamment et avec assiduité les chansons de Liliana.”

Émilia : “J’ai saisi. Mais est-ce que ça ira si je ne viens pas avec toi ?”

Subaru : “Pas de problème, crois en moi. Je te protégerai.”

À ses mots, Émilia cligna ses grands yeux et acquiesça en rougissant. Puis, Subaru interpella discrètement Béatrice, qui le dévisagea d’un air soupçonneux. Il approcha ses lèvres de son oreille.

Subaru : “Protège Émilia pour moi. Si j’ai besoin de ta force, je t’appellerai immédiatement.”

Béatrice : “…Qu’as-tu découvert qui ne puisse même pas être raconté à Betty ?”

Subaru : “Sois juste prête. Si je t’appelle, tu peux considérer que la situation est assez grave.”

Subaru pinça doucement le nez de Béatrice, légèrement mécontente, puis agita la main et décampa. Il sprinta sans se retourner, ressentant même les yeux des quatre personnes qui l’avaient vu partir dans son dos.

En courant sur la route, il atteignit la place en moins de cinq minutes.

Cependant, il était parti avec un peu en retard. Dans cette situation tendue, avec très peu de temps, le moindre écart temporel pouvait être une question de vie ou de mort.

Subaru : “Même si c’est le cas, sans faire de courses, il me reste environ dix minutes…”

Subaru décéléra pour marcher, et examina la place où il était arrivé. Auparavant, il s’était concentré sur la tour sans avoir l’occasion d’observer les alentours, mais, du moins pour le moment, il n’y avait pas d’étrangers vêtus de noir visibles.

Dans ce cas, était-il correct de penser que l’Archevêque du Péché avait probablement agi seul ?

Subaru : “La question est de savoir ce qu’il faut faire ensuite. Une fois le discours entamé, je pourrais très bien me retrouver à nouveau dans cet état d’esprit confus.”

Comme l’origine de cette zone anormale n’était pas claire, une fois qu’elle l’aurait capturé à nouveau, il ne savait pas s’il pourrait conserver sa santé mentale. Ainsi, Subaru supposa qu’il deviendrait impossible de reconnaître l’anomalie comme telle, à cause de la puissance effrayante de cet espace de lavage de cerveau.

(Note de Traduction : Subaru pense probablement que le pouvoir qu’il a affronté a un rayon d’action.)

Subaru : “Dois-je dire à tout le monde de se réfugier loin d’ici… ? Ce serait comme la situation avec Petelgeuse… Non, il n’y a pas assez de main d’œuvre, et si cela cause trop de grabuge, Sirius pourrait agir de façon préventive.”

Il pourrait demander aux victimes qui ne devraient pas être impliquées dans la situation de se réfugier. Mais comment y arriverait-il ? Après tout, si le discours de Sirius n’avait pas de cible particulière, alors la localisation ne serait pas limitée à cette place.

S’il n’y avait pas d’audience ici, elle irait ailleurs. Par conséquent, l’incident ne se déroulerait qu’avec d’autres victimes.

Subaru : “Dans ce cas, le seul moyen est d’éliminer le coupable… !”

Son principal avantage était de savoir que Sirius prévoyait d’apparaître ici.

Cela ressemblait beaucoup à la bataille pour subjuguer Petelgeuse. Quoi qu’il en coûte, le Culte de la Sorcière ne pouvait pas être laissé en liberté. Pour empêcher la secte maléfique de commettre ses crimes, il fallait en éliminer les causes fondamentales. Sinon, les tragédies ne feraient que se répéter jusqu’à ce que la cause première soit éliminée.

Il avait réalisé cela bien trop tard.

S’il était arrivé à cette conclusion plus rapidement, Subaru ne serait pas venu ici seul. Non, retourner sur cette place avait été le mauvais choix, en premier lieu. S’il était au moins retourné à l’auberge, il aurait pu demander de l’aide à Wilhelm ou à Julius.

Subaru : “Perdre du temps avec ces pensées est inutile. Je suis le seul ici maintenant. Dès que le discours commence, je dois être prêt à agir… Non, la solution est en fait beaucoup plus simple !”

Trouvant une réponse, Subaru jeta un coup d’œil au bas de la tour de l’horloge――la tour blanche d’où avait été prononcé cet abominable discours. Il remarqua une petite fenêtre au bas de la tour, probablement là où Sirius était entré pour prononcer son discours du haut de la tour.

Dans ce cas, elle devrait déjà être dans la tour, en train de préparer son discours qui aura lieu sous peu. Même si elle n’y était pas encore entrée, Lusbel lui-même y était peut-être attaché, attendant d’être secouru.

Ainsi, Subaru jeta un coup d’œil prudent à gauche et à droite, et s’approcha du bas de la tour de l’horloge. Il déplaça silencieusement la porte en fer discrète d’une allée sur le côté, l’ouvrit et se glissa à l’intérieur de la tour.

L’intérieur de la tour de l’horloge était d’une noirceur sans pareille, l’air glacial était chargé de poussière.

La tour complète était entièrement silencieuse. Contrairement aux tours d’horloge de son monde, celle-ci n’avait pas d’engrenages. Le passage du temps était mesuré à l’aide de la lueur d’un cristal magique. Sa couleur changeait naturellement, reflétant les légers changements du Mana atmosphérique au fil du temps.

――Par conséquent, le seul son susceptible d’être entendu à l’intérieur de la tour devait être produit par quelqu’un d’autre.

??? : “…Mmgrr !”

??? : “Pas besoin de pleurer aussi bruyamment. Es-tu un bon garçon ? Tu dois être un enfant fort. Papa Muslan et Maman Ina, ainsi que ton petit frère et ta petite sœur, doivent être très fiers de toi. Tu es un bon gamin.”

Une voix désagréable résonna. Des gémissements d’enfants terrifiés résonnèrent.

Des sanglots résonnaient en haut de l’escalier en colimaçon. Cela ressemblait à de la rancune, à une bénédiction, à de la haine et à de l’amour.

C’était déformé. C’était tordu. On ne pourrait jamais dire que c’était normal.

Subaru : “――――”

Subaru fut convaincu qu’il s’agissait bien de Sirius, inspira profondément, puis retint sa respiration.

Son pouls s’accéléra et sa poitrine se mit à battre la chamade alors qu’il montait les marches. Heureusement, les marches étaient en pierre. Avec un peu de précaution, il pourrait faire taire ses pas, d’autant plus que l’ennemi devait être focalisé sur l’enfant dans ses bras.

Subaru se prépara à appeler Béatrice à tout moment en montant lentement les escaliers. La tension montait au fur et à mesure que le bruit venant d’en haut se rapprochait.

Bien que la tour elle-même soit suffisamment haute pour que Subaru doive lever la tête pour en voir le sommet, il n’y avait rien d’intéressant à observer sur le chemin qui y menait. Un grand pilier trônait au centre de la tour, et l’escalier en colimaçon l’entourait, longeant le mur du bâtiment.

La voix d’un démon et la voix d’un héros provenaient du bout de ces escaliers. Une seule fenêtre donnait sur l’extérieur de la tour――sans doute pour permettre aux employés d’ajuster et de vérifier les pierres magiques installées sur la tour de l’horloge. Le son provenait de l’espace situé juste avant cette fenêtre.

La sensation qui s’en dégageait était comparable à celle d’un grenier.

Subaru jeta un coup d’œil furtif par-dessous les escaliers, et vit qu’il y avait en effet deux silhouettes vagabondes qui échangeaient des mots, interrompant ainsi l’obscurité silencieuse.

Il n’y avait personne d’autre. Il était possible d’affirmer qu’une histoire d’horreur avec des cultistes se cachant dans la pénombre avait été évitée.

――Subaru n’avait plus qu’à repérer une ouverture et porter le premier coup.

Subaru : “――――”

La capturer vivante n’était pas une possibilité.

Même si c’était ce qu’il voulait faire, le degré de difficulté serait trop élevé. Sans compter que tant qu’elle était en vie, qui pouvait savoir quel genre de tour elle était capable de réaliser ?

Subaru s’accroupit et posa sa main sur un manche. Il se saisit de ce qui était retenu par sa ceinture et le détacha d’un coup sec.

Dans sa poigne à deux mains se trouvait une arme à l’extrémité allongée et courbée, tissée à partir de fibres spéciales.

Certains archéologues dans les films les plus célèbres de son monde étaient connus pour porter ce type d’arme lors de l’exploration de ruines. Cette arme avait une plus grande portée et était plus difficile à manipuler que celle de l’archéologue des films. Mais au cours de l’année écoulée, sous la tutelle de Clind, l’habileté de Subaru s’était considérablement améliorée.

(Note de Traduction : Référence à Indiana Jones.)

Parmi toutes les sortes d’armes, Subaru avait choisi le fouet comme arme principale.

Contrairement aux épées, aux massues, aux lances et aux arcs, le fouet était incroyablement polyvalent. Plus important encore, avec des armes comme l’épée, le potentiel d’amélioration de Subaru en seulement quelques années était incroyablement limité. Subaru s’était déjà familiarisé avec le maniement de l’épée au kendo, et savait exactement à quel point il lui serait difficile d’atteindre des sommets avec cette arme.

Par conséquent, Subaru n’avait choisi ni la lance ni l’épée, mais le fouet. À l’origine, il avait toujours compté sur son intelligence, sa créativité et sa ruse pour gagner.

Dans ce cas, une arme jouant sur ses points forts lui permettrait de mieux exercer sa puissance. Les fouets lui permettraient également d’attaquer à une distance intermédiaire.

Subaru : “――――”

La distance entre le bout de l’escalier et la silhouette effrayante était d’environ quatre mètres. C’était aussi la limite de la portée de Subaru. Pour s’assurer que son coup toucherait la cible, il devait faire un pas. Non, un demi-pas devrait suffire avant de se lancer et de donner un coup de fouet.

Quoi qu’il en soit, il ne fallait pas s’attendre à ce qu’un fouet soit capable de tuer en un seul coup. Pour y parvenir, il fallait compter sur d’autres facteurs.

Dans cette situation dépourvue de facteurs autres que naturels, le recours à la hauteur s’imposait.

――Dans ce cas, le seul choix possible était de frapper à distance.

Subaru : “――――”

Subaru inspira doucement et expira lentement. Puis il retint sa respiration.

Il se leva et continua à monter les escaliers, serrant le fouet avec sa main droite. La silhouette cachée dans l’ombre ne le repéra pas alors qu’il était embusqué dans son dos. Cela lui donnait l’avantage.

Subaru fit un demi-pas en avant et projeta son bras vers le haut. Avec un sifflement aigu, le bout du fouet s’envola vers sa cible. Cette attaque latérale préventive, qui cherchait à donner la priorité à sa vitesse incurvée et angulaire plutôt qu’à sa puissance, semblait refléter un mouvement de badminton.

La tête du serpent fendit l’air, mordant le dos non protégé de sa cible, essayant d’enserrer le cou de ce personnage malfaisant et de le faire tomber dans l’abîme.

Toutefois――

Sirius : “Pourquoi es-tu autant énervé ?”

La silhouette qui lui tournait le dos répondit d’une voix distraite.

Immédiatement après, l’ombre pivota sa main droite à la vitesse de l’éclair pour dévier le coup de fouet de Subaru, à l’aide des chaînes qui pendaient autour de son bras.

C’était comme si un serpent argenté avait traversé le ciel pour intercepter un serpent volant.

Pendant une seconde, Subaru fut abasourdi par cette vision, mais il se ressaisit et bougea son bras en diagonale, déterminant que l’avant du fouet était bien entré en contact avec sa proie.

Sirius : “Oh là là.”

Avec un petit gloussement, la silhouette effondrée――Sirius retrouva son équilibre et se remit sur ses pieds.

Bien que la chaîne qui pendait de son bras droit ait dévié le coup de Subaru, le fouet avait mordu une partie des maillons de la chaîne, entraînant Sirius au sol tandis que Subaru tirait dessus.

Subaru :  “H-ha !”

Face à Sirius qui se débattait, Subaru resserra encore plus sa prise en se précipitant vers ce monstre couvert de bandages en formant un demi-cercle, la percutant d’un coup d’épaule. Son corps, qui était plus léger que prévu, vola facilement vers l’avant à cause de sa masse corporelle.

Sirius : “Gah !”

Sirius poussa un léger cri et, après s’être écrasée sur le sol, passa par la fenêtre, comme Subaru l’avait prévu. Plus de dix mètres séparaient leur position du rez-de-chaussée――un enfant aurait été écrasé comme un fruit s’il était tombé de cette hauteur.

Subaru : “Tout va bien, Lusbel ?!”

Subaru ne confirma pas l’impact de Sirius, mais courut vers l’autre silhouette au sol. Ce petit corps était celui de Lusbel, qui tenait le bout d’une chaîne à deux mains, fixant Subaru avec crainte.

La chaîne qu’il tenait dans sa main était reliée à celle qui entourait tout le bas de son corps, une autre manifestation du mauvais goût de Sirius.

Subaru : “Cette folle… ! Te forçant à t’attacher… !”

Peu à peu, il réalisa l’ampleur de l’horreur qu’avait dû goûter Lusbel, contraint de tenir cette chaîne contre son cou, s’étranglant littéralement. Encore maintenant, des traces de terreur étaient gravées sur son visage.

Une fois conscient de cette malveillance, Subaru ressentit une colère incontrôlable. Il saisit immédiatement les épaules du garçon, lui enlevant la chaîne.

Subaru : “Assez ! Tout ira bien. Tu n’auras plus jamais à faire une telle chose. Viens avec moi !”

Lusbel : “Mais, si… je… je ne respecte pas les termes de notre accord, alors Tina… Tina va… !”

Lusbel répondit cela, les yeux larmoyants et les lèvres frémissantes.

En le voyant, la gorge de Subaru s’étrangla d’émotion. Cet enfant avait, pour tenter de protéger son amie d’enfance, accepté un pacte avec le diable. Et, même en ayant vécu ce qu’il avait vécu, Lusbel était plus inquiet pour son amie que pour lui-même.

Même si ses jambes tremblaient, même si ses dents claquaient, même si sa vision était brouillée par les larmes, même s’il n’était plus capable de faire des phrases cohérentes.

Subaru : “Tout va bien. Dans cette ville, il y a… beaucoup de personnes… fiables.”

Sa voix rauque ne parvenait pas à transmettre ce qu’il voulait dire.

Pour que le jeune homme se sente à l’aise, il fallait qu’il prononce des paroles réconfortantes et pleines d’autorité. Le Maître Épéiste se trouvait dans la ville en ce moment même. Il y avait aussi le plus grand des Chevaliers, le meilleur guérisseur du Royaume et d’autres personnes capables de détruire une petite ville.

Il n’y avait donc pas lieu de craindre quoi que ce soit. Aucune force maléfique ne pourrait se déchaîner. Ouais. Exactement. La peur n’était pas du tout nécessaire. Elle n’avait aucune raison d’être. Et donc,

Subaru : “Alors… Mes jambes, arrêtez, de trembler !!”

Devant Lusbel, dont les yeux étaient devenus flous de peur, Subaru frappa désespérément ses jambes qui ne répondaient plus et cria.

Sa voix, empreinte de chagrin, résonna de manière inattendue, aggravant la peur qui résidait dans sa poitrine. Subaru avait l’impression qu’un sentiment de dégoût, d’origine non identifiée, s’emparait de tout son corps.

Lusbel : “――Guu…”

Lusbel se mit à vomir jaune, avec un bruit qui ressemblait à l’éclatement d’une bulle. Son corps commença à se tordre lorsqu’il expira, s’effondrant dans une mare de son propre vomi. Subaru voulut l’aider à se relever, mais il eut lui aussi l’impression que ses propres organes se tordaient à l’intérieur de lui. Subaru succomba aussi à l’inconfort de ses organes internes, et il cracha le contenu de son estomac, ressentant une sensation semblable à celle d’être jeté en l’air.

Le daisukiyaki qu’il avait mangé le matin était devenu méconnaissable, et l’odeur âcre et viscérale de ses acides gastriques était écrasante. Subaru continua à vomir vigoureusement, ne goûtant que la douleur alors que son vomi menaçait de le noyer.

Alors qu’il vomissait et vomissait, étourdi, avec des acouphènes dans les oreilles et ses yeux révulsés, son corps continuait à trembler sans arrêt. Pas à cause du froid. Une main invisible lui tordait l’estomac, ses organes internes étaient déplacés. Subaru en connaissait l’origine.

C’était, incontestablement,

Sirius : “――Votre peur est la preuve de votre bonté.”

En entendant la voix douce venant de derrière lui, Subaru vomit à nouveau.

Presque noyé dans le liquide qui débordait de son estomac, Subaru s’effondra sur le sol sale. Il sentit une pointe de liquide visqueux sur sa joue. Il était si près de l’accumulation de saletés sur le sol que chaque respiration superficielle répétée provoquait l’éclatement d’une bulle jaune.

La plupart des gens ne pourraient pas supporter un spectacle aussi terrible, mais elle le contemplait avec un doux sourire.

Tandis que Subaru et Lusbel se regardaient mutuellement, luttant désespérément pour respirer dans leur propre vomi, secoués par des tremblements invisibles――

Sirius : “Les individus sont capables de se comprendre les uns les autres. Les individus peuvent ne faire qu’un. La bonté n’existe pas pour soi. Elle existe pour les autres. La bonté ne brille que parce qu’elle existe pour le bien des autres. N’être bienveillant que pour soi-même, c’est de l’égoïsme ! Donc, ta bonté, qui existe pour le bien des autres, est digne de révérence ! Ah, ah, c’est cela l’Amour !”

Subaru : “Guh, ah, hk…”

Sirius : “Ressentez-le conformément aux désirs de votre cœur. Laissez-moi être témoin du contenu de votre cœur. Ressentez, et laissez-moi être témoin de votre Amour. Votre tendresse infinie. Votre vertu qui vous a poussé à sauver Lusbel-kun !”

Tandis qu’elle parlait, Sirius se mit à danser en observant le duo qui gisait dans une mare de vomi. Elle croisa ses bras, une main dirigée vers Subaru et l’autre vers Lusbel, en secouant la taille. Comme si elle dansait. Comme pour offrir un hommage.

Sirius : “Les deux âmes douces que vous êtes ressentiront ensemble la peur de Lusbel-kun. Vous ressentirez la peur de Lusbel-kun et, par ce biais, les sentiments de Lusbel-kun vous seront transmis. Lusbel-kun, à travers votre peur, ressentira ce que vous ressentirez à nouveau de sa part. Vos peurs sont à nouveau ressenties, et la peur de Lusbel-kun s’en trouve amplifiée. Vos peurs additionnées, ressenties par Lusbel-kun, viendront à leur tour amplifier vos propres peurs. Cette peur, mélangée à celle de Lusbel-kun, deviendra une peur toute neuve, toute fraîche, et la fraîcheur de la peur de Lusbel-kun sera à nouveau communiquée à votre vraie peur. La véritable peur que vous ressentez, ainsi qu’une deuxième et une troisième peur nées grâce à Lusbel-kun, conduiront à sa peur, et le prochain niveau de peur généré par le cœur de Lusbel-kun s’ajoutera à votre propre nouveau niveau de peur le plus élevé…”

Quelque chose lui chuchotait à l’oreille. Cet élan irrésistible s’approchait du non-sens. Subaru n’avait pas le temps d’essayer de comprendre ces mots. Pourquoi ? Parce que pour Subaru, tout ce qui passait par son ouïe et sa vision était terrifiant. Si respirer était terrifiant, cligner des yeux l’était tout autant. Mais ne pas cligner des yeux était très douloureux et insupportable. Même cette douleur n’existait que pour être présentée comme un symbole de terreur à Subaru. Ressentir une douleur signifiait éprouver la souffrance qu’il ressentirait la fois suivante. Subaru ressentirait alors une peur continue, sans fin, infinie. Refuser de cligner des yeux ne conviendrait donc pas. Mais s’il clignait des yeux, le monde sombrerait dans l’obscurité pendant un instant. Dans ce moment d’obscurité où rien ne pourrait être vu, il ne saurait pas ce qui se passe. Il se pourrait qu’il ne se passe rien du tout, mais il n’aurait aucun moyen de le savoir avec certitude. L’impossibilité de confirmer quoi que ce soit était terrifiante. Si l’inconnu suscitait instinctivement la peur, vivre n’était qu’une tentative sans fin de surmonter cette peur. En fin de compte, cette soi-disant peur avait toujours été le sentiment de faiblesse qui commençait à assaillir une créature lorsqu’elle sentait que sa vie était menacée. Être capable d’éprouver cette émotion était synonyme d’être une forme de vie. La fonction de cette horreur était similaire à celle de la douleur. Après tout, les créatures qui abandonnaient leurs instincts de danger ne pouvaient pas survivre. Endormir sa peur, c’était se condamner.

Sirius : “Oh là là ? Vous avez tous les deux l’air de perdre la tête. Aimer et enrichir émotionnellement les gens peut parfois être très fragile. Ah, c’est parce que l’Amour est douloureux. Mais c’est précisément parce que l’amour existe que nous pouvons survivre. C’est vraiment très difficile. Alors, je vais demander à Tina-chan de m’aider. Lusbel-kun a travaillé dur.” 

Être insensible à la valeur de la vie signifiait violer une capacité inhérente à la survie. En d’autres termes, la peur était nécessaire. Par conséquent, il n’y avait absolument aucune raison d’avoir honte de louer la performance consistant à se sentir aussi effrayé, comme à cet instant. Bien sûr, ce genre de chose n’était qu’une hypothèse dénuée de toute signification. Mais mener de telles expériences de pensée était la meilleure méthode pour résister à une peur écrasante et dominante dans l’espoir de trouver une percée victorieuse, n’est-ce pas ? C’est en tout cas ce que pensait Subaru. Lusbel, devant lui, commença à se convulser et ses yeux se révulsèrent. La lumière de la vie de ce jeune garçon était sur le point de s’éteindre.

C’était triste et regrettable. Cependant, Subaru ne pouvait pas se décourager. Il lutterait et se battrait jusqu’au bout, n’était-ce pas ce qu’il avait juré ? Même lors de cette terrible, pénible et éprouvante Épreuve de l’année précédente. Si ce n’était pas le cas, pourquoi Subaru trouvait-il si triste et douloureux de survivre malgré tout ? Effrayant.

Très très effrayant. Terrifiant. Tout était terrifiant. Vivant. Terrifiant. Cligner des yeux. Terrifiant. Respirer. Terrifiant. Dégoûtant. Terrifiant. Effrayant. Effrayant. Effrayant. Effrayant. Effrayanteffrayanteffrayanteffrayanteffrayanteffrayanteffrayanteffrayanteffrayanteffrayanteffrayanteffrayanteffrayant――

※ ※ ※ ※ ※ ※ ※ ※ ※ ※ ※ ※ ※ ※

Liliana : “Lorsque la chanson sera terminée et qu’elles discuteront à nouveau, ne devrions-nous pas préparer de la nourriture et des boissons pour elles, Natsuki-sama ? Le fait de se régaler avec des friandises créera certainement une ambiance qui réduira la distance entre elles, vous ne croyez pas ?”

Immédiatement après avoir cligné des yeux, le monde bascula, et Subaru s’effondra dès qu’il entendit un nouveau son. Le visage maladroit d’une fille s’approcha, et le rattrapa alors qu’il se heurtait violemment à son front.

Liliana : “Gah ?!”

Subaru : “Hein ?”

Une voix aiguë retentit.

Subaru tituba de plusieurs pas en arrière à cause de la douleur soudaine et perçante. Quelque part devant lui, il entendit le bruit de quelque chose qui tombait dans l’herbe. Subaru ne réagit pas immédiatement, trop occupé à se frotter le front.

Subaru : “Qu-qu’est-ce que… ?”

Émilia : “Qu’est-ce qui ne va pas, Subaru ? Tu as soudainement asséné un coup de boule à Liliana. Ce n’est pas bien. Si tu n’aimes pas l’autre personne, tu devrais régler tes différends en discutant.”

Béatrice : “C’est exact, en fait. Avant de recourir à la violence, nous devrions avertir cette fille à l’allure grossière que nous voulons la propulser dans les airs, je suppose.”

Liliana : “Suis-je réellement aussi laide ?!”

Liliana se leva d’un bond en poussant un cri inattendu.

En entendant ses paroles, Émilia et Béatrice échangèrent un regard sans parler. Liliana reçut à nouveau un coup symbolique et s’effondra une nouvelle fois.

Priscilla : “Quelle farce ridicule. Les roturiers n’ont pas le droit de traiter mon oiseau chanteur de cette manière. Cela ne se reproduira plus.”

Refusant peut-être de cautionner la violence imposée à Liliana, Priscilla déposa une plainte relative au comportement de Subaru.

Subaru lui adressa un vague hochement de tête, confirma une nouvelle fois sa localisation, et――

Subaru : “…Dégoûtant.”

Un deuxième reset n’avait en rien modifié son opinion sur ce monstre.

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-=Fin du Chapitre 20=-

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